Adele Dipasquale

Né·e en 1994, vit et travaille entre La Haye, Pays-Bas, et l'Italie.

Sur les pas des auteur·ices et militant·es féministes et décoloniales, Adele Dipasquale s'interroge : quelles expressions, quels langages peuvent exister en marge des discours patriarcaux dominants ? Par le biais de l'écriture, du film analogique, de la performance et de l'expérimentation vocale, l'artiste engage une résistance linguistique et communicationnelle, à la recherche d'une voix/e émancipatrice. Le silence, l'inintelligible, l'ésotérique et les dialectes encodés des enfants deviennent alors autant de postures résilientes, rebelles, autonomes, de refus actifs de s'aligner sur le ton de l'oppression.
Au cours de ses recherches, iel s'est rendue à l'évidence : les mots forment des mondes, paramètrent nos réalités. Ils renferment à la fois une puissance normative et un potentiel subversif, paradoxe qui ne peut que s'apparenter à de la magie. Pour briser le sortilège de la conformité, Adele Dipasquale propose dans ses travaux récents d'investir pleinement le terrain de l'ésotérisme, d'offrir nos corps à la résonance des voix silenciées. Par une pratique de l'hommage collectif, de la citation incarnée, iel aspire à produire une polyphonie qui ne se laisse pas circonscrire, un héritage subversif et multiple qui s'affranchit des prescriptions du langage.

adeledipasquale.com

résidence

09.01.25 – 02.03.25

Résidence Nuovo Grand Tour,
à Clermont-Ferrand
en partenariat avec DGCC, Institut Français Italia, Institut Culturel Italien de Paris.

exposition

27.02.25, 18:30

Exposition,
à Artistes en résidence, la Diode, Clermont-Ferrand

Tongues and songs

Adele Dipasquale (IT), etaïnn zwer (FR), Sigrún Gyða Sveinsdóttir (IS)

27 février 2025 18h30-21h
à Artistes en résidence, la Diode
190, bd Gustave Flaubert, Clermont-Ferrand

Sigrún. Adele. etaïnn. Trois prénoms dont la musicalité est teintée d'une douce étrangeté pour les oreilles habituées aux consonances francophones. Trois prénoms qui pourraient appartenir aux Guérillères de Monique Wittig (1), récit rythmé par des listes de noms énigmatiques et hypnotiques. Les trois artistes qui y répondent ont été accueilli·es par Artistes en résidence à Clermont-Ferrand ces dernières semaines : Sigrún est islandaise et habite à Amsterdam, Adele italienne mais vit et travaille à La Haye, et etaïnn un·e français·e ayant élu domicile à Berlin. Chacun·e, avec son bagage culturel spécifique, joue avec le langage, les sonorités, les mots, les chants, les murmures. Que ce soit la poésie du désir d'etaïnn zwer, les chants d'opéra de Sigrún Gyða Sveinsdóttir ou les voix de l'au-delà convoquées par Adele Dipasquale, toustes donnent à entendre l'inattendu, le refoulé, l'oublié, ce qui est habituellement tu ou ignoré. Iels déterrent des écrits que l'académisme tente de silencier, donnent une voix à celleux qui n'en ont pas ou plus : minorités de genre, personnes racisées ou issu·es de classes sociales défavorisées, militant·es pour le climat ou la justice sociale… . Résonnent alors à la Diode une multitude de voix alternatives, de tous temps décrédibilisées car associées à la folie, à l'irrationalité, à des altérités menaçantes. Les artistes redonnent ici toute leur puissance transformatrice aux paroles capables de penser et de dire le monde autrement. Speaking in tongues, glossolalia (2), söngur sírenanna (3), lingue di fuoco (4), magical sayings (5) et écritures inclusives se joignent en une polyphonie radicale et haute en couleurs, à même de faire trembler les fondations de la domination, de bruciare il patriarcato (6), de prendre en soin vernd hinna glötuðu vistkerfa (7). Et qui sait, leurs vocalisations aux airs de révolution se termineront peut-être en un karaoké, polyglotte, militant et joyeux.

Ce texte a été écrit par une intelligence collective.

(1) Monique Wittig, Les Guérillères, Les éditions de minuit, 1969
(2) Speaking in tongues, littéralement "parler en langues", ou glossolalia, est une vocalisation de syllabes qui ressemblent à des paroles et qui n'ont pas de sens facilement compréhensible, souvent considérées par les croyant·es comme des langues divines ou spirituelles inconnues de la personne qui s'en fait le véhicule.
(3) Islandais pour "le chant des sirènes", mythologie grecque.
(4) Italien pour "les langues de feu", mythologie chrétienne.
(5) Anglais pour "les mots magiques, les sorts".
(6) Italien pour "brûler le patriarcat".
(7) Islandais pour "la protection de nos écosystèmes dévastés".